Rechercher dans ce blog

jeudi 28 juin 2012

A propos de l'humilité

J'ai fait lire, il y a quelque temps, à ma psy la Règle de Saint Benoît. Le long chapitre sur l'humilité et ses douze degrés (R.S.B., 7) lui a fait un peu problème. Elle en gardait l'impression d'un chemin visant à briser en fin de compte les personnalités, les ego, donc d'un chemin plutôt négatif à ses yeux.

Comment lui répondre, je ne suis qu'un "humble" lecteur de la règle de Saint Benoît ?

D'abord, le mot "humilité", qui n'est pas une des vertus les plus populaires de nos jours, est souvent confondu avec d'autres, ce qui lui fait perdre de son contenu.

La modestie, la haine ou l'image dévalorisée que l'on peut avoir de soi, n'ont rien à voir, par exemple, avec l'humilité. Dans la haine ou la dévalorisation de soi, il y a un refus de ce l'on est est ; dans l'humilité, il y a au contraire totale acceptation de soi. La modestie est une attitude entretenue visant l'absence de recherche, de faste, de luxe. On marche les yeux baissés. Elle relève de l'ordre du paraître. C'est la raison pour laquelle on parle aussi de fausse modestie.

Selon Gandhi, " cultiver l'humilité revient à cultiver l'hypocrisie ; l'humble n'a pas conscience de son humilité ". Ou, comme le dit, un proverbe Yidsish : " Trop d'humilité est demi-orgueil ".

Une autre confusion fréquente vient du verbe "humilier". Il évoque une action de l'un sur l'autre qui réduit l'autre à moins que ce qu'il est par un processus de pouvoir. Cela n'a rien à voir avec l'humilité.

Le mot humilité prend sa racine dans le mot humus (terre). Cela veut dire que l'homme humble a les pieds sur terre, il a une conscience profonde de sa juste place au milieu des autres et de l'univers, il sait que tout ne dépend pas de lui et qu'il doit aussi compter sur les autres. L'humilité est à l'opposé de l'orgueil, de l'arrogance, de l'égocentrisme, du narcissisme. L'humilité consiste toujours à donner une place à l'autre, à l'Autre. C'est le contraire de l'autosuffisance.

Je pense que Saint Benoît ne veut pas dire autre chose. Etre humble, c'est accepter de faire partie d'un plan qui nous dépasse et où chacun a une place à tenir, en tant que membres d'un même corps (1 Cor, 12). Comme toujours, Benoît fait preuve d'un certain réalisme. Il constate que le coeur de l'homme n'est pas naturellement humble, qu'il lui faut du temps pour se convertir. Il propose dès lors un chemin de conversion en douze étapes, c'est dire que le chemin est long avant d'accéder pleinement à l'humilité.

Je me sens incapable de commenter chacune de ces douze étapes.

Je voudrais juste témoigner de ceci, pour rassurer ma psy : dans les communautés monastiques que je connais, et c'est en cela que l'abbé ou le prieur doit faire preuve de beaucoup de tact, il est demandé à chacun selon sa mesure, et chacun ayant donné sa pleine mesure, tous sont heureux, parce que tous savent qu'ils sont les membres d'un même corps. Cela n'exclut pas la fierté pour un travail bien fait, ni le compliment. Cela n'exclut sans doute pas non plus de temps à autre des petites rancoeurs, nul n'est parfait. L'essentiel est ceci : tous les frères sont égaux, chacun selon ses dons et sa personnalité. La diversité des aptitudes n'est pas source de discrimination et ne crée pas une hiérarchie parmi les frères.

Tel est l'esprit de la règle de Saint Benoît. Saint Benoît y veille d'ailleurs quand il dit que tous les frères doivent participer au service à table, à la vaisselle ; quand il dit aussi que l'abbé doit entendre l'avis des plus jeunes autant que des aînés.

L'humilité selon Saint Benoît est donc tout le contraire d'un étouffement de la personne. Elle vise plutôt à l'épanouissement de chacun dans un juste rapport aux autres et à Dieu. Je trouve cela exceptionnel.





Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.